Molière à la campagne, d'Emmanuelle Delacomptée
L'histoire :
Le témoignage d'une jeune professeur de français, lors de sa première année d'enseignement dans un collège de campagne.
Mon avis :
Le ton de l'ouvrage est donné dès les citations au début du livre : on sent déjà le décalage énorme qu'il y a entre le côté théorique de l'enseignement et la pratique. Emmanuelle Delacomptée, professeur stagiaire, est nommée dans un collège de campagne, alors qu'elle n'a pas le permis de conduire. L'auteur aborde son quotidien durant cette première année avec un regard qui se veut humoristique, mais on sent une certaine distance avec ce qui est raconté. L'enseignante qui raconte semble désormais blasée.
Lâchée dans la réalité, sans aide ni soutien, elle aborde les relations avec sa classe de quatrième et le gouffre qui existe entre ce qu'attendent les programmes et ce que souhaitent les élèves : manque d'intérêt, de culture, de travail. Élèves que l'on maintient dans leur carcan au prétexte qu'ils ne pourront pas faire mieux, etc. Emmanuelle Delacomptée s'est limitée aux côtés négatifs de ce qu'elle a vécu et du peu de soutien (ou tardif) qu'elle a eu. Les différentes scènes en classe feront sourire ou rire, mais il s'agit d'une triste réalité, et on sent que peu de personnes s'intéressent réellement à la situation. On peut penser que l'enseignante manquait de fermeté, mais dans ces situations, ce n'est vraiment pas simple.
L'auteur raconte aussi ce qui se passe au cours de la formation IUFM qui se déroule en parallèle de l'année scolaire : entre les poncifs sur le rôle de l'Éducation Nationale et l'ineptie de la formation, il y a de quoi faire. N'étant pas enseignant, mais connaissant de près le milieu, je sais que ce qui est raconté est vrai, et ce n'est pas limité à une seule académie. La jeune enseignante découvre donc des formations sur la tenue de classe qui ont lieu plusieurs mois après que les cours ont commencé. En outre, le contenu de ces formations est inexistant. Elles n'apportent strictement rien aux jeunes enseignants. Ensuite, la plupart des formateurs sont de beaux parleurs, qui connaissent bien la philosophie à mettre en avant et les mots à utiliser pour ce faire (rappelons le classique « référentiel bondissant »), mais incapables d'aborder le côté pratique du métier, alors que cela devrait être la priorité de cette formation.
Les jeunes enseignants sont donc livrés à eux-mêmes et que cela soit à la campagne ou à la ville, ils peuvent rencontrer les mêmes problèmes. Par contre, l'auteur ne s'attarde pas et y fait seulement allusion : pour certains de ses collègues, l'année scolaire se déroule parfaitement dans des établissements et des classes agréables.
C'est un livre que je conseille aux personnes qui ne connaissent pas réellement (ou qui pensent connaître) le milieu de l'Éducation Nationale et qui, par ce biais, se feront une idée des inepties que rencontrent les enseignants qui souhaitent faire leur travail du mieux possible. Aux autres, cela leur rappellera de bons ou mauvais souvenirs...
Ce livre m'a été envoyé par les éditions JC Lattès.
Éditeur: JC Lattès
Nombre de pages: 264
ISBN: 978-2-7096-4577-5